At night

Si « Quai des brumes » a été tourné au Havre (voir mon article à ce sujet), la ville n’est pas pour autant plongée dans le brouillard et possède un charme nocturne que j’apprécie au cours de mes balades nocturnes.

Les lieux emblématiques, églises, Volcan, la catène de containers, les bassins, etc. sont bien mis en valeur par les jeux de lumières.

Paris reste la Ville lumière, mais j’ai retrouvé au Havre le plaisir des nuits magnétiques.

La bibliothèque idéale

La commande faite par la ville du Havre à Oscar Niemeyer en 1972 ne prévoyait pas de bibliothèque. Mais pour donner au « Petit Volcan » une nouvelle dynamique, le lieu sera restructuré à cette fin de 2010 à 2015. Les artisans de ce renouveau sont les architectes Dominique Deshoulières, Hubert Jeanneau et Françoise Sogno.

Esthétique à la fois épurée et chaleureuse, espaces de lecture, d’ateliers, de consultation numérique, de travail : le superbe lieu est conçu comme un espace de vie et de découvertes tout azimut.

La bibliothèque Oscar Niemeyer a reçu le prix Livres Hebdo de l’Espace intérieur en 2016.

Danton, quartier en révolution

Le quartier Danton du Havre, situé non loin de la gare de chemin de fer est depuis une dizaine d’années en pleine restructuration urbaine.

La place Danton accueillait depuis le milieu du 19e siècle une maison d’arrêt. Sa cour construite en camembert permettait par un jeu de préaux séparés d’éviter les rassemblements de prisionniers.

Cette prison ne sera détruite qu’au début des années 2010 et c’est sur cet emplacement que le projet d’équipement socio-culturel et sportif présenté par l’agence K.Architectures a vu le jour.

Cet ensemble, le Pôle Simone Veil, espace multifonctionnel de 4 800 m2 allie béton, bois et inox brossé. On s’en doute, il a totalement modifié le visage du quartier.

Pots de yaourt

C’est au Havre que s’ouvre en 1961 la première Maison de la culture sous l’impulsion d’André Malraux alors ministre. « Nous avons voulu que les enfants de 15 ans aussi pauvres qu’ils soient puissent être aussi proches de l’art et de la culture que les plus riches de Paris… », dit-il dans son discours inaugural.

D’abord implantée dans musée d’art moderne André Malraux ou MUMA, elle emménagera en 1982 dans le spectaculaire nouvel écrin que l’architecte brésilien Oscar Niemeyer lui dédie.

Inauguration en 1982 par Jack lang

Le contraste est saisissant : aux lignes droites des constructions Perret, Niemeyer oppose deux bâtiments blancs en béton, tout en courbes.

Comme le rappelle Yoland Simon dans « Le roman du Havre », président de la Maison de la culture de 1985 à 1989, les havrais vont affubler l’œuvre de surnoms plus ou moins flatteurs : patte d’éléphant, cité de l’espace, soucoupe volante, cratère de lune, château d’eau, hauts-fourneaux, blockhaus, meringue, petit-suisse, crème renversée, centrale nucléaire,…etc.

Pots de yaourt vaut bien les précédents. Et bien que finalement un autre directeur de la Maison, Alain Milianti, officialisa ceux, plus nobles, de Volcan et Petit Volcan, c’est bien le sobriquet laitier que le havrais goguenard continue d’utiliser. Normandie oblige.

La salamandre de François 1er

Les premières pierre avaient déjà été posées par Louis XII, mais c’est François 1er qui voulut créer en ce lieu un port de guerre, Fanciscopolis. Il lui donna ses propres armoiries, la salamandre, symbole de la foi qui ne peut être détruite. Ainsi, la ville qui sera rebaptisée le Havre de Grâce, d’après le nom d’une chapelle, porte dès sa fondation la marque d’une endurance à toutes épreuves.

La salamandre est particulièrement emblématique du règne de ce souverain. À Chambord, l’animal mythologique est, avec plus de 300 représentations, le symbole le plus repris, devant le lys et la couronne.

Le blason du Havre porte toujours la salamandre en son cœur.

Un escalier mécanique en ville

Après la première guerre mondiale, le village de Graville et le plateau de Frileuse dans les hauteurs du Havre sont rattachés à la ville. Des cités ouvrières y sont construites, comme la cité Transat, financée par la Compagnie générale transatlantique.

Mais du plateau au port et aux usines, il manque un moyen de transport, et il est bien fastidieux de devoir remonter le soir à pied les marches de l’escalier Montmorency. Plutôt qu’un funiculaire, la municipalité choisit un projet révolutionnaire : un escalier mécanique, reliant donc la ville haute à la ville basse.

Cet escalier mécanique réalisé par les établissements Grosselin et inauguré en 1928, pouvait transporter jusqu’à 6 000 personnes par heure, sur un dénivelé de 50 mètres. Il était doté de deux vitesses, dont une de pointe, qui permettait d’effectuer le trajet en 4 minutes !

Avec l’essor de la voiture individuelle tout au long des 30 glorieuses, les usagers le désertent progressivement. La municipalité le ferme définitivement en 1984. Il est classé monument historique la même année.

Un 2018, un artiste habille les marches de l’escalier classique. Mais nombreux sont les nostalgiques qui souhaiteraient également que soit réouverte au public l’entrée de l’escalier mécanique afin de présenter un mécanisme, qui reste unique au monde.

Ciné rétro

A l’image du Louxor à Paris, le cinéma art déco Normandy, est, passé son heure de gloire, longtemps resté à l’abandon.

Ce magnifique établissement construit en 1933 dans le quartier Montmorency du Havre, est l’œuvre de l’architecte Henri Daigue, par ailleurs collaborateur de Gustave Perret pour la reconstruction d’après-guerre.

Sa façade a été soigneusement rénovée en 2021, comme en témoigne ces images avant/après.

Quant au propriétaire, qui bénéficie du soutien de l’Association de sauvetage du patrimoine havrais (ASPH), il a bon espoir de parvenir au bout du chantier et de réouvrir une salle de spectacle qui, outre des films, accueillit chanteurs de variété, humoristes, et à l’occasion quelques rockeurs.

Jules Siegfried, précurseur des HLM

Jules Siegfried en 1913

Maire du Havre, député et conseiller général de « Seine Inférieure », puis ministre « du commerce, de l’industrie et des colonies », Jules Siegfried eut une longue carrière politique sous la IIIe République.

Une loi de 1oi de 1894 porte son nom et tient une place décisive dans l’histoire du logement social en France.

La Loi Siegfried autorise en effet la Caisse des dépôts et consignations à consentir des prêts à des organismes privés créés en vue de construire des habitations à bon marché. Elle aboutit la création des Sociétés d’Habitations à Bon Marché, ou HBM et futures HLM.

Au 19e siècle, l’habitat populaire des villes est en effet très majoritairement composé de véritables taudis. ils suffit de relire Eugène Sue (les mystères de Paris), Victor Hugo (Les misérables), Balzac (Le père Goriot) ou encore Zola (L’assommoir, Germinal, Le ventre de Paris).

Cette loi est donc une avancée sociale importante. Mais la misère a la vie dure. Quant aux marchands de sommeil, ils dorment toujours sur leurs deux oreilles.

Marguerite Huré, lumières de la ville

Après s’être essayée à la sculpture, Marguerite Huré s’est imposée comme l’une des grande vitrailliste françaises du XXe siècle. Elle définissait son art comme le plus complet, « à la fois science et divination, technique savante et poésie ».

Auguste Perret, architecte de la reconstruction du Havre fait appel à elle sur le chantier de l’église Saint-Joseph. Elle y travaillera de 1952 à 1957, assemblant des verres colorés soufflés à la bouche à l’épaisseur irrégulière.

Délaissant l’iconographie religieuse, elle construit une « symbolique non-figurative » obéissant à une cohérence esthétique qui participe totalement à la beauté et à la spiritualité de l’ensemble de la construction.

La piscine de Nouvel

Un complexe aquatique conçu dans l’esprit des bains publics romains et comprenant une piscine olympique à ciel ouvert. Ce rêve réalisé par les Ateliers de Jean Nouvel, inauguré en 2008, s’appelle Les bains des docks.

Malgré les nombreuses malfaçons qui ont obligé la Ville à le fermer en 2013 (et à le refermer quelques mois fin 2022), ce magnifique ouvrage a été élu « piscine la plus cool du monde » par le Telegraph.

On y trouve facilement un transat libre même en été, et l’on peut, avant un massage et un sauna, faire paresseusement quelques longueurs sous l’œil des cormorans qui survolent son rectangle bleu. Magique.